Le 15 février, Emmanuelle Wargon était auditionnée par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Dans le cadre de la série d'auditions de ministres relevant du champ de compétence de la commission, la ministre du Logement était en effet invitée à présenter le bilan de son action ministérielle. Outre cette restitution, Emmanuelle Wargon a également répondu à plusieurs questions ou contestations de membres de la commission, ce qui lui a permis d'apporter des informations et des précisions sur divers points d'actualité.
Une priorité à l'hébergement et au Logement d'abord
Tout en revendiquant une "politique du logement volontariste" sur la durée du quinquennat (Julien Denormandie, puis Emmanuelle Wargon), la ministre a rappelé les trois grandes lois intervenues en ce domaine – Elan, Climat et Résilience et 3DS – même si d'autres textes comportent aussi des mesures plus ponctuelles en la matière. Emmanuelle Wargon a entamé la présentation de son bilan par les aspects les plus consensuels, reconnus même par le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement. Elle a mis ainsi en avant les "résultats sans précédent en matière d'hébergement et d'accès au logement", avec notamment un milliard d'euros supplémentaire pour l'hébergement, une augmentation de 50% du nombre de places et la fin de la gestion au thermomètre depuis le printemps 2021. Autre élément connexe mis en évidence : le plan Logement d'abord, qui a permis à plus de 300.000 personnes d'accéder à un logement, grâce notamment à 32.000 places en intermédiation locative et 5.000 places en pensions de famille.
La ministre a également évoqué la prévention des expulsions locatives – avec une trêve hivernale prolongée à trois reprises – et la lutte contre l'habitat indigne, avec en particulier les dispositions prévues par la loi Elan, la création très attendue d'une police unique de l'habitat, les 62.000 logements indignes rénovés avec l'aide de l'Anah ou encore le lancement du plan Initiatives copropriétés, qui a déjà permis de dégager 500 millions d'euros en trois ans.
Un effort conséquent sur le logement durable...
Autre point fort : le volet relatif au logement durable. Emmanuelle Wargon a rappelé à ce titre le lancement de MaPrimeRénov' en janvier 2020. Malgré la survenue de la crise sanitaire et du confinement deux mois plus tard, ce dispositif a réussi à s'imposer et à s'élargir à tous les Français – y compris les propriétaires bailleurs –, tout en conservant une vocation sociale affirmée (les deux tiers des aides vont à des ménages aux revenus modestes ou très modestes). L'effort est destiné à se pérenniser – même si nombre d'acteurs demandent plutôt son accroissement – avec un maintien en base budgétaire autour de 2 milliards d'euros annuels. Tout un écosystème a également été déployé autour de MaPrimeRénov', avec la création du service public de la rénovation énergétique France Rénov', Mon accompagnateur Rénov' ou encore le prêt avance rénovation. Toujours dans le registre du logement durable, la ministre a rappelé la RE2020 (réglementation énergétique), le nouveau DPE (diagnostic de performance énergétique), l'interdiction programmée de la mise en location des passoires thermiques par la loi Climat et Résilience, ou encore l'audit énergétique obligatoire. Elle a conclu sur la création du fonds friches de 750 millions d'euros et l'instauration du "zéro artificialisation nette" (ZAN) à l'horizon 2050, tout en cherchant à rassurer les élus sur l'impact et la mise en œuvre de cette disposition qui inquiète nombre d'entre eux.
...mais plus incertain sur le logement abordable
Emmanuelle Wargon était très attendue sur l'accès à un logement abordable. Elle a mis en avant la pérennisation de l'article 55 de la loi SRU par la loi 3DS, mais aussi la consolidation du secteur HLM, avec un regroupement des organismes prévu par la loi Elan et aujourd'hui achevé à 90%. Elle a défendu un rythme de production de logements sociaux autour de 110.000 unités par an au cours des trois premières années du quinquennat, avant le choc de la crise sanitaire en 2020 et une reprise des autorisations encore insuffisante en 2021, à hauteur de 8%. Avec les mesures issues du rapport Rebsamen – comme la compensation de l'exonération de la taxe foncière sur les logements sociaux –, la ministre du Logement estime néanmoins que "les conditions sont réunies pour atteindre les 120.000 logements sociaux par an, même si certains territoires ne sont pas encore au rendez-vous". Elle a pointé à nouveau du doigt les métropoles délégataires des aides à la pierre, en retard sur les objectifs de production, notamment par rapport au taux de réalisation de l'État, citant nommément Paris, Nantes, Rouen et Strasbourg (qui ne seraient qu'à 56% de l'objectif).
Enfin, sur l'ensemble de la production de logements, Emmanuelle Wargon a rappelé des mesures comme la prolongation de l'expérimentation de l'encadrement des loyers, la création récente de Locavantage ou encore le déploiement de la garantie Visale portée par Action logement (avec 10 fois plus de contrats en 2021 qu'en 2017). Mais elle estime surtout que la reprise des autorisations et des mises en chantier, constatée en 2021, a permis d'effacer l'impact de la crise sanitaire.
Loi de programmation, MaPrimeRénov' et aide à la construction durable
Sans surprise, le bilan présentée par la ministre du Logement n'a pas convaincu tous les députés. La séance de questions-réponses a néanmoins permis d'apporter un certain nombre d'éclaircissements ou d'informations récentes. Ainsi, Emmanuelle Wargon se dit désormais favorable, après la fin de la gestion au thermomètre et une base budgétaire désormais consolidée, à l'instauration d'une programmation pluriannuelle sur l'hébergement, sous forme d'une loi de programmation ou d'une contractualisation avec les acteurs du secteur, qui donnerait davantage de visibilité à ces derniers.
Interrogée sur les dysfonctionnements de MaPrimeRénov', la ministre du Logement a tenu à relativiser : les difficultés existent, mais restent marginales. Au dernier trimestre de l'an dernier, environ 3.500 dossiers étaient en difficulté : un tiers à l'engagement et deux tiers au paiement. Il n'en restait plus que 500 à la mi-janvier. L'Anah a par ailleurs mis en place un système permettant d'identifier et de traiter les nouveaux dossiers en difficulté au fil de l'eau. Par ailleurs, ces chiffres relativement modestes sont à rapprocher des 600.000 dossiers MaPrimeRénov' déjà engagés et des 350.000 déjà payés.
Sur l'aide à la construction durable, Emmanuelle Wargon a annoncé le bilan 2021, qui n'était encore qu'en partie connu : 142 millions d'euros d'aides, 1.316 communes bénéficiaires, 2.500 permis de construire aidés pour une production de 67.000 logements. Ce dispositif est désormais adapté, recentré et pérennisé par le biais des contrats de relance pour le logement. Sur la mise en œuvre de la loi Climat et Résilience, la ministre a indiqué que son département travaille notamment sur les décrets relatifs au ZAN. Ceux-ci ne sont pas véritablement urgents – puisqu'ils concernent la période postérieure à 2030 – mais leur publication rapide apparaît nécessaire pour éclairer et rassurer les élus. Les décrets correspondants ont bien été présentés au CCEN (Conseil national d'évaluation des normes), mais celui-ci a demandé une seconde séance, qui devrait intervenir en mars.
Une "muraille de Chine" pour Mon Accompagnateur Rénov'
La ministre s'est également montrée très ferme sur le sujet de Mon Accompagnateur Rénov', dont le projet de décret a été récemment mis en consultation. La pression monte en effet chez certains acteurs de la rénovation énergétique pour revenir sur la dichotomie entre les entreprises qui conseillent et celles qui assurent les travaux. Pour Emmanuelle Wargon, il s'agit là d'une "muraille de Chine", sur laquelle il n'est pas question de transiger. Dans le même esprit, elle se dit vigilante sur le label RGE (reconnu garant de l'environnement). Seules 59.000 entreprises en sont aujourd'hui titulaires, ce qui apparaît nettement insuffisant, d'autant que leur nombre n'augmente pas assez vite. La ministre travaille donc avec la Capeb (artisans du bâtiment) et la FFB (Fédération française du bâtiment) pour accélérer le rythme.
Emmanuelle Wargon s'est également défendue sur l'accusation d'un trop faible nombre de rénovations globales. Elle affirme en effet que les rénovations globales avec MaPrimeRénov' s'élèvent entre 40 et 50.000 par an et que la tendance devrait s'accroître avec le déploiement de MaPrimeRénov' Sérénité et l'obligation de passer par Mon Accompagnateur Rénov' à partir de 2023.